L’Automne | L’homme et la sauterelle

Par Jean MOTTE
Directeur du centre Imhotep, formation en acupuncture taoïste

« L’Homme ne vit qu’une seule vie, la sauterelle ne vit qu’un automne »

Ce proverbe est plus un Koan (phrase à méditer). Il nous invite à réfléchir sur ce qu’est la vie pour un être humain. Chaque chose existante sur Terre est soumise aux mêmes lois de la nature et cela en proportion de paramètres précis qui les différencient. Ainsi la tortue peut vivre 150 ans parce que ses mouvements sont lents.

Un caillou vit des milliers d’années parce que son rythme interne est encore plus lent. Une sauterelle ne vit qu’un automne mais elle en profite pleinement, en totalité au point de devenir cet automne car souvent en Chine ou encore d’autres pays, on ne dit pas l’automne arrive mais les sauterelles arrivent avec leur action dévastatrice sur les cultures et les récoltes.

L’homme doit ainsi s’identifier à cette vie. Il est la vie il est SA vie. Celle-ci est soumise à des rythmes particuliers issus de l’adaptation millénaire de l’homme pour survivre en milieu hostile. Mais que reste-t-il des dangers de la nature vis-à-vis de l’homme?

Les animaux sont soumis, les plus dangereux sont dans des zones circonscrites et se cachent afin de ne pas être détruits par l’humain. Il n’y a plus que l’homme dangereux pour l’homme et quelque chose que souvent nous ne percevons pas si nous n’y sommes pas instruits: les rythmes de la nature. Ceux-ci sont plus forts, plus insidieux car nul ne les commande. Qui peut se targuer de créer un printemps, un été, un automne et un hiver?

Personne et tant mieux. Donc il est nécessaire, pour que l’homme vive pleinement sa vie, ne tombe pas malade et soit juste avec son entourage, de se soumettre aux ordres saisonniers.

C’est une des clés essentielles du taoïsme, obéir aux rythmes saisonniers.

Nous nous apercevons que les plantes fanent, que les graines tombent, que la terre est sèche, que les feuilles chutent, que la lumière se fait plus douce, que nous ne sommes plus enclins à sortir et festoyer mais à rentrer plus tôt chez soi, d’être dans des résolutions de nettoyage, de se purger, de se libérer. De même que l’arbre se dénude, de même nous muons. Nous nous allégeons et si nous ne le faisons pas, c’est tout simplement une faute, une rupture avec les ordres de l’automne.

Nous devons faire le tri de ce qui ne nous retient tant par le souvenir que par la peur de manquer. Jeter est un acte salutaire car il laisse un vide qui sera toujours créateur. Connaissez-vous la syllogomanie? C’est une maladie de thésaurisation excessive qui va bien naturellement à l’encontre de cette libération. L’automne est donc une force de détachement. Pensez à la feuille qui se sépare de sa tige rassurante et sécurisante.

L’automne nous montre la chute à différents plans. Les arbres se dénudent, les graines tombent, le soleil se couche plus tôt et se lève plus tard, il monte moins haut au zénith.

Nous en concluons que respecter la saison c’est donc d’accepter la chute! Il y a des moments où nous ne sommes plus performants, nous ralentissons, nous sommes fatigués, plus lents.

C’est cela la chute. Il est intéressant de noter un parallèle avec la punition de Sisyphe qui doit monter sa pierre en haut d’une montagne et dès cela atteint,
la pierre retombe dans la vallée. Nous sommes tous des Sisyphe, mais l’automne n’est pas une punition pour celles et ceux qui ne sont pas pris au piège de penser être toujours le meilleur, le plus fort, le plus haut. L’automne est donc un lâcher prise sur les pressions extérieures (professionnelles,
relationnelles) comme intérieures (les aspirations, les croyances).

L’automne, enfin nous montre un repli sur soi, une envie plus pressante de rentrer chez soi. Le soleil décline, la lumière est moins présente et nous invite à nous ralentir, nous enfouir à l’image des animaux de nos jardins et campagnes qui se retirent par obéissance à l’automne. L’automne est donc une force centripète, nous invitant à la méditation, l’introspection.