Entretien avec Florence de Val auteure de « Bonjour ma Vie »
L’auteure nous livre un témoignage bouleversant. Un cri de souffrance, mais aussi un message d’espoir adressé à toutes les personnes victimes d’abus sexuels. Peu à peu, elle reconstitue les pièces du puzzle de son enfance meurtrie, se réapproprie son histoire et affronte la dure vérité. Libérée de son statut de victime, elle peut enfin avancer sur le chemin de la reconstruction.
«En écrivant, je me suis réappropriée mon histoire, elle est devenue réalité et non divagation, elle avait besoin de l’être pour donner vie à l’être que je suis.
Demain, je serai encore plus proche de moi parce que je suis un être d’évolution, animée d’un désir, celui de me rapprocher de plus en plus de mon humanité. »
Vous évoquez des faits que vous avez occultés pendant vingt-huit ans et datant de votre enfance, pourquoi les racontez maintenant ?
Florence de Val : J’ai commencé à écrire ce livre il y a dix ans, après avoir rencontré mon père. Une rencontre que j’avais longuement préparée dans laquelle mon désir était de lui dire verbalement ce qu’il m’avait fait et répété sur ma fille, l’abus sexuel. Lorsque je lui ai dit qu’il avait abusé de moi ainsi que ma fille, bien sûr, il m’a traité de folle et m’a aussi lancé « Tu es à la mode, les affaires de viols sont en vogue à l’heure actuelle. » J’ai donc commencé l’écriture de mon récit il y a dix ans et pendant dix ans il a été présent, jusqu’au moment où j’ai pensé que ma fille était prête à le lire, car je voulais son accord pour le faire éditer.
Entre oubli et déni, entre trous de mémoire qui protègent et cauchemars qui bouleversent, comment avez-vous reconstruit la véracité des maltraitances sexuelles et viols que vous avez subis ?
C’est une très bonne question, car elle vient vraiment mettre à jour une des difficultés liées à l’inceste : le manque de preuves. Croire la victime, croire sa parole, la véracité de ses accusations. J’ai toujours su et j’ai toujours occulté cette réalité impensable à intégrer ; cette réalité dont j’aurais tant aimé qu’elle soit fausse, mensonge. Il y a la mémoire du corps qui parle, les ressentis, ses angoisses inexplicables et inextricables, ce mal être permanent, sa difficulté à être.
Puis les souvenirs présents avec lesquels on lutte constamment. Vient le moment d’aller regarder ce que nous n’avons pas voulu voir tellement c’est douloureux. Là, les souvenirs reviennent peu à peu et détruisent à nouveau…
Il faut du temps pour accepter, intégrer ce que nous avons vécu…
Comment avez-vous surmonté, puis vaincu, ce sentiment de honte et de culpabilité qui vous a collé à la peau ?
Je ne peux malheureusement pas dire que je l’ai totalement vaincu. Je suis encore par moment happée par ces deux sentiments. La différence, c’est que je vis des périodes sans et quand ils viennent, j’arrive à les identifier puis, au bout d’un moment, à me délester de nouveau de leur poids.
Le chemin de votre reconstruction a été long et difficile, jalonné de souffrances mais aussi de joies et de victoires, ne craignez-vous pas que votre livre vous renvoie à un statut de victime, entre voyeurisme et empathie excessive ?
Je me suis posé cette question. Je ne me sens plus victime, c’est l’essentiel. Mon désir de dénoncer l’inceste, ce crime qui vous laisse en vie tout en ayant volé votre enfance, est très grand en moi et m’anime. J’ai conscience qu’être exposée est difficile mais pour faire avancer les choses, il faut tout d’abord les dénoncer.
Quels sont vos projets, vos attentes aujourd’hui ?
Les projets sont essentiellement créatifs. Écriture, dessins, peintures. Et puis, il y a mon livre que je veux défendre pour que le tabou de l’inceste et du viol cesse, pour que la souffrance que cela engendre soit entendue et reconnue.
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